Catalyst n°4, 2012

six piles de 100 papiers cartonnés noirs pelliculés, format A5, pour chaque pile.
series of six cardboards piles, black plasticised A5 paper.

"Affaire d’état et vice versa

Résultat d’un processus fructueux, l’œuvre que présente Jade Tang s’offre comme l’aboutissement d’une succession de tentatives, d’abandons, de doutes et d’essais, de recommencements, de délégations et de décisions.

Sculptural au-delà de la singulière économie de moyens dont il est le produit, l’ensemble de superpositions de feuilles de carton noir pelliculé, emprunté à l’usine toute proche, comporte en lui la mémoire d’un faire étendu, étiré, jusqu’à la forme et le moyen décidés. Marquée dès sa première visite par l’historicité du lieu et la tension intrinsèque à la concomitance du site industriel et de l’ancien édifice religieux, c’est à une prégnante translation que s’est livrée l’artiste, créant ainsi un espace poreux entre deux entités antinomiques dans leur identité et pourtant si liées par leur proximité. À l’instar des « balles » de carton entreposées en plein air dans l’attente d’une transformation prochaine, l’installation de petites piles de papier noir à l’intérieur de l’abbaye présentée à travers une déterminante réduction d’échelle, s’envisage comme le vecteur (support) possible d’un témoignage. Celui de l’observation de la marque du temps. Ainsi de ces traces, créées volontairement sur chaque petit rectangle de carton par le dépôt d’un morceau de charbon incandescent, dont l’artiste n’a souhaité maîtriser ni l’impact ni la destination. Intéressée par le mécanisme induit par la liberté accordée aux matériaux, Jade Tang déclare ici toucher aux limites de la sculpture en donnant à comprendre une attitude artistique où le geste de l’exécutant peut se substituer au pouvoir des matières. Souvenir d’une expérience si ce n’est celui d’une performance, cette composition minimale, en donnant à voir un changement d’états et de fonction du papier, tend à libérer l’énergie qui sommeille en chaque outil potentiel. Faire avec et faire vivre. Pour le plaisir de faire et de défaire."

Par Mickaël Roy in Le Journal de l’exposition Faire Faire, Abbaye d’Alspach, Kaysersberg, septembre 2012

+ vues de l'exposition "Faire Faire" à l'Abbaye d'Alspach, Kaysersberg, 2012